Le Bouddhisme - Attitudes et évolution à l'egard de la sexualite

Publié le par lobsang sonam

Le Bouddhisme primordial a hésité entre le rigorisme moral et le reversement des valeurs ambiantes au nom d’une vérité ultime transcendant les notions de bien et de mal. En vérité, c’est la rigueur qui l’a emportée. Le bouddhisme du Petit véhicule s’est montré très répressif par rapport à la sexualité et fort méprisant pour les femmes. Au moyen de nombreux exemples, nous montrerons que dans ses débordements doctrinaux, celui-ci n’a rien a envier aux délires du christianisme, que ce soit dans le rejet de la femme que de la classification maladive des diverses « fautes » sexuelles.


Ce qui est en cause ici, c’est le désir qui représente le plus grand danger pour l’homme car la soif des biens de ce monde, de la sensualité ou de la simple envie de vivre sont la cause des renaissances dans le Samsara.

Le désir est dangereux car il est la force qui nous maintient dans « la glissière de la temporalité » comme l’écrivait Saint Augustin ou dans le cycle des existences conditionnées selon la phraséologie bouddhique.

Chaque être est porteur d’un karma qui se manifeste au niveau individuel par la croyance à un soi intrinsèque et au niveau environnemental par un contexte d’existence. Se réincarner, c’est poser un acte et c’est bel et bien le désir qui est le moteur de l’action. Selon l’Abhidharma qui est la somme théologique bouddhiste, l’être humain traverse, sous une forme intermédiaire le bardo de la mort - passage entre deux existences - jusqu’à ce qu’il ressente de l’attirance pour la matrice d’une femme en voyant l’accouplement d’une femme et d’un homme. En fonction de son karma, il va opter pour l’un des deux sexes en éprouvant de l’attirance pour l’un et de l’aversion pour l’autre. Il deviendra mâle s’il est attiré par la femme et inversement.


La continence s’impose donc d’elle-même afin de rompre ce cercle infernal et de ne pas nuire à l’éveil spirituel. De nombreux textes soulignent que la sexualité non seulement nous rattache à la sphère animale mais peut faire perdre les fruits d’une longue ascèse. Nous retrouvons ici, les vieux principes manichéens qui ont fait souche en provenance de l’Asie centrale. Le désir est lié au monde et celui-ci est irrémédiablement mauvais, le désir est donc mauvais.

Comme pour les Stoïciens, le Soi est une forteresse assiégée par le désir qui vient de l’intérieur et les tentations du monde extérieur. Renoncer au monde devient alors le moyen de retrouver la maîtrise de soi-même. Cette attitude très répandue dans le monde indien n’est pas sans rappeler les positions des gnostiques et des cathares, et à cent lieues de la voie du milieu du Bouddha.

Le désir du sexe de la femme est l’élément principal de la volonté de jouissance sensuelle. Il faut donc que le corps apparaisse comme impur et indigne d’intérêt.

Comme le disait Saint Augustin :

« Inter faeces et urinam nascimur »

(Nous naissons entre les excréments et l’urine)


Dans le bouddhisme, il faut non seulement persuader l’homme de la souillure de la femme mais aussi faire intégrer celle-ci par la femme. Ainsi la nonne novice doit apprendre que :

« Elle doit haïr son corps impur, comme une prison où elle est enfermée, comme un cloaque dans lequel elle est tombée. Qu’elle craigne la passion comme le feu, comme la rencontre de brigands »


Le besoin de purification est impératif et constant et la sexualité va se trouver chargée d’affects et d’interdits moraux là où elle n’était au début qu’un simple obstacle.

Cette position radicale est identique à ce que l’on peut lire chez Odon de Cluny :

« Cette grâce féminine n’est que saburre, sang, humeur, fiel. Considérez ce qui se cache dans les narines, dans la gorge, dans le ventre : saletés partout. Et nous qui répugnons à toucher même du bout des doigts de la vomissure ou du fumier, comment pouvons-nous désirer de serrer dans nos bras le sac d’excréments lui-même »


Même les déesses, filles de Mara, le Dieu du monde du samsarâ qui veut tenter le Bouddha et détruire les causes de son éveil n’échappent pas aux descriptions les plus scabreuses :

« Ce corps est un marais d’ordures

Un amas d’infectes impuretés.

En ces latrines ambulantes,

Comment pourrait-on se complaire ?


Pour conclure, Vimalakirti dit qu’il faut être plein de dégoûts et de répugnance pour un corps de cette sorte. Seul est digne d’aspiration le corps du Bouddha.


Le désir est aussi présenté comme inférieur à l’Eveil avec cependant des différences. C’est sur la sexualité que porte l’essentiel de la continence car elle ne fait pas partie - en principe - des besoins vitaux et, faisant appel à l’imaginaire humain elle est difficile à maîtriser. Les autres besoins vitaux - manger, boire, dormir etc... peuvent être contrôlés et ne présentent pas la même prégnance que le désir sexuel.


A vrai dire, les textes montrent une grande ambivalence dans l’approche du corps à la fois attirant et repoussant. Il faut avoir recours au stratagème de la transformation du beau pour en révéler les imperfections ou « la vraie nature ». Le corps n’est que l’agglomérat des agrégats (constructions labiles dues au karma -forme - vue - toucher - odorat - goût - ouïe - formations volitives - conscience) qui se dissolvent avec l’abolition de la conscience au moment de la mort.

Tous les reproches que nous avons pu faire aux règles édictées par le christianisme, nous les retrouvons traits pour traits dans les pratiques de l’Hinayana. Une multitude de commentaires décrit à l’envie toutes les perversions, même les plus fantaisistes et fixe leur gravité et les sanctions qui s’y rattachent.


Nous nous en tiendrons à quelques exemples caractéristiques tant la matière et le délire sont abondants en l’espèce.


Le Samantapâsâdikâ dit que :

« L’acte sexuel est une faute grave, au terme de laquelle on doit utiliser de l’eau pour se laver et qui se pratique en un lieu secret par deux personnes, lorsque la partie externe de l’organe masculin est insérée, ne fût-ce que dans la mesure d’un grain de sésame dans l’organe féminin - la région humide où le vent lui-même n’atteint pas. »


L’acte sexuel comprend la pénétration, l’étreinte, la séparation, la période qui suit la séparation. Le commentaire précise que si le moine éprouve du plaisir à l’un quelconque de ces moments, il y a faute sinon il est innocent.


On ne s’arrête pas là puisqu’il se révèle nécessaire de définir trois types de femelles, deux types de neutres eux-mêmes subdivisés en trois sous-groupes et trois types de mâles. Il est donc possible de fauter gravement avec 12 sortes d’êtres. L’affaire se corse car selon l’être avec lequel se produit la faute - femme - hermaphrodite - homme - démon - animal etc... la pénétration pouvant s’effectuer par deux ou trois orifices.


Les animaux font l’objet d’une attention toute particulière. La pénétration des parties intimes des serpents et tout ce qui rampe, des poissons, les poulets et autres volailles, les chiens et chats coûtent le prix fort - l’exclusion de l’ordre religieux - avec un subtil distinguo que fait le rédacteur sur la gueule du crapaud qui bien que très large ne procure guère de plaisir au fornicateur et n’entraîne qu’une pénitence, tout comme la fornication dans la trompe d’un éléphant ou les parties non génitales du cheval, de la vache, de l’âne, du chameau, du buffle.


En somme rien que de très naturel et plausible ! ! ! encore une fois, comme chez les chrétiens, certains religieux n’ont pas hésité à légiférer doctement en des matières où l’on se serait volontiers passé de leur avis et de leurs fantasmes.


La règle des nonnes est plus contraignante encore du fait de leur nature imparfaite. Les nonnes vont être soumises à un plus grand nombre d’interdits même si globalement ces interdits et la répression des fautes sont comparables pour les nonnes et les moines.

La nature plus complexe des femmes et qu’elles soient dotées de trois orifices à permis l ‘élaboration d’une casuistique monumentale. Quel a était le mode de pénétration ? Sa profondeur ? Sa durée ? Y a t il eût plaisir ? A quel moment ? Cela se résume finalement à peu de chose :


·

Comme pour les moines comme pour les nonnes s’il y a eut plaisir à un moment quelconque, l’exclusion est prononcée sans pitié, sinon l’innocence de la personne est reconnue.


Les ouvrages de casuistique bouddhique n’ont rien a envier aux ouvrages chrétiens de même facture.

« La nonne est exclue en fonction :

· de la nature du partenaire

· un humain

· un non humain

· un animal

· de son état

· consentante ou non

· ivre

· démente

· du mode de pénétration

· par le vagin

· par l’anus

· par la bouche »

Le Samantapâsâdikâ malgré les rigidités des dogmes pose que c’est avant tout l’intention qui fixe le caractère coupable ou non coupable de l’acte répréhensible


« Comment doit-elle être tenue pour non consentante ? Si c’est par ignorance, par confusion ; en croyant que c’est licite ; avec un individu éhonté ; sous l’emprise de la passion, de la haine, de l’égarement - il n’y a pas faute. Pour celle dont l’esprit est absent, qui reste passive, qui ne commet pas l’acte sexuel, il n’y a pas faute »


L’intimité de la nonne s’étend depuis les épaules jusqu’au-dessus des genoux. A partir de cette définition extensive s’est développée tout un chapelet d’étude de cas plus ou moins « tarifés » en fonction de la gravité supposée de la faute.


« Rapports sexuels avec des parents très proches : cinquante démérites. Rapports sexuels avec une prostituée : deux démérites.


Rapports sexuels avec une nonne ou une chaste veuve : cinquante démérites.

Si l’on voit une belle femme de bonne famille et que l’on désire lui faire l’amour : deux démérites pour les laïcs et dans tous les cas de figure cinquante démérite pour un moine que la femme soit belle ou non, proche parente ou non. »


La masturbation est une faute pour les religieux des deux sexes. Elle est considérée comme assez grave et entraîne l’exclusion temporaire de la communauté monastique.

Le moine doit détourner ses pensées de toute tentation onaniste et diverses règles mineures tendent à détourner les pulsions. Le moine ne doit pas regarder son sexe quand il urine, il ne doit pas prendre plus de deux bains par mois sauf s’il est malade...etc. La nonne doit prendre le plus grand soin à ne pas éprouver de plaisir en procédant à sa toilette intime. La règle des nonnes interdit le plaisir génital en particulier et l’utilisation de moyens de fortune pour combler le manque de pénis.


« Si une nonne se satisfait avec un radis, un oignon, avec un chou, avec une racine de raifort, avec une liane, avec un concombre, avec une coloquinte, avec une gourde, avec une citrouille ou encore avec quelque autre objet et assouvit ainsi le désir sensuel, elle commet une faute grave »

L’homosexualité masculine et féminine ne sont pas catégorisées clairement bien que la réalité de ces pratiques ne soit pas ignorée. Les règles s’appliquant aux pratiques homosexuelles tendent à les éviter dans la mesure du possible. Cependant les sanctions qui s’y appliquent sont de simples pénitences et non pas l’exclusion. Le lesbianisme n’est condamné qu’en tant que prélude aux rapports hétérosexuels. Les doctrinaires religieux portent peu d’attention à ces actes et y font à peine référence dans les textes. En somme l’homosexualité fait l’objet d’une relative tolérance voir d’ignorance, si l’on compare la sévérité des condamnations et le caractère prolixe des détails qui s’appliquent à la pratique et la catégorisation des rapports hétérosexuels.


D’une façon plus générale, ce que le bouddhisme condamne c’est la promiscuité sous toutes ses formes.

« Toutes les formes de promiscuité avec autrui, au bain ou aux latrines ou de complaisance avec soi-même, sont interdites. Il est interdit par exemple aux nonnes de se dénuder ou de se laver en présence d’une autre femme - ni même d’utiliser l’eau de son bain - ; de se faire masser, de s’examiner mutuellement en plaisantant, de discuter de questions sexuelles, de s’asseoir sur le lit d’une femme ou d’une jeune fille ou d’examiner leur garde-robe. Les religieuses ne doivent jamais dormir à deux dans le même lit, à moins que l’une d’elles ne soit malade. »

L’apparition de la doctrine mahayana va quelque peut modifier et adoucir la rigueur du Petit Véhicule car les prélats bouddhistes prennent conscience des excès et du ritualisme du Vinaya indien.


Les écoles Chan, Zen, c’est à dire le bouddhisme chinois et japonais vont se montrer inversement peu prolixes en matière d’interdits sexuels. L’intériorisation de la pratique rendait inutile les interdits lourdement assénés par le Vinaya.


Il s’agissait de réaliser le coté illusoire des actes plutôt que de s’attarder sur les transgressions en elles-mêmes. Ce qui ne veut pas dire qu’un souffle libérateur souffla sur le Bouddhisme, certes non ! Mais on peut dire que l’étreinte se desserra par rapport au carcan du Vinaya. Les religieux bouddhistes semblent s’être moins polarisés sur le rejet des femmes que sur le contrôle de la sexualité.


Cependant, le désir et les passions vont devenir plus positives. C’est la compassion universelle qui va permettre cette évolution doctrinale. Ainsi, Le soutra du filet de Brahmâ dit que si la transgression signe un manque de compassion, il se peut aussi que la transgression soit le signe de cette même compassion. Asanga affirme qu’il y a peu de risques que la compassion authentique puisse conduire aux trois poisons en comparaison de la gravité de la faute qui conduit à tenir l’autre en aversion.


« En faisant le bien pour autrui,

Il n’y a ni offense ni attachement ;

Mais notre aversion est toujours en contradiction

Avec tous les êtres vivants. »

 


En somme la parole tue, là où l’esprit vivifie. L’éthique peut être sans regret transgressée quand c’est pour le bénéfice des êtres sensibles. Par contre l’acte sexuel reste prohibé aux religieux et il faut que le pratiquant laïc respecte la loi du non-attachement à l’acte. Asanga souligne d’ailleurs que de toutes les passions et fautes humaines - meurtre - vol ... etc la sexualité est la plus dangereuse car la plus gratifiante du point de vue de l’humain : Elle est donc attirante.


On trouve dans certains textes ésotériques une affirmation de l’amour entre les sexes et la thèse que le désir en lui-même est pur, puisque toutes choses, y compris le ravissement exquis du sexe, relève du domaine pur du boddhisattva. Rolf Stein note que Maître Yixing, dans son commentaire du Maha Vairocana soutra remplace le terme bhâgavata (le bienheureux) par bhaga qui signifie femme et désigne l’origine. C’est précisément dans ce genre de textes tantriques que l’on trouve les équations entre désir et éveil, corps de loi et corps humain, organes des sens et terres pures, organes sexuels et vraie demeure, de la bhodi et du nirvana....Si le plaisir devient légitime, il n’y a plus a proprement parler transgression...Si la transgression fait accéder au Sacré, il faut préserver le potentiel transgressif de la pratique. Lorsque la transgression elle-même devient routinière, et l’anticonformisme conformiste, le profit qu’on retirerait disparaît. Quoiqu’il en soit l’évolution idéologique se traduit par un double mouvement : d’une part la négativité du domaine physique et corporel diminue ; d’autre part, on explore le potentiel de la transgression en tant que telle. D’un côté une sorte d’humanisme bouddhique, de l’autre une vision quasi Dionysiaque de la sexualité. ( Voir l'article a venir sur les Naljorpas - les Fous Divins et Drukpa Kunley)

Le bouddhisme du Hinayana dénonçait les poissons de l’avidité, de l’ignorance et de la colère et les proscrivait de la vie quotidienne. Il avait eu grand soin de maintenir le principe féminin sous le boisseau et de faire la part belle aux hommes. L’irruption du tantrisme dans la doctrine du Bouddha favorisa un juste retour des choses.

Dans le bouddhisme tantrique tibétain, les rites érotisés ont une grande valeur symbolique et visent à la réalisation de la vacuité (shunyata) par l'harmonie entre le corps, la parole et l'esprit. Dès le VII° siècle Padmasambhava (Guru Rimpoché) avec d’autres maîtres vont développer un enseignement fondé sur une mystique érotisante où le masculin tient le rôle actif alors que le rôle passif est réservé au féminin.(Ces rôles sont inversés chez les hindous par rapport au bouddhisme tibétain). La force du tantrisme vient de la prise en compte de la corrélation entre les forces constitutives de l'univers et celles qui sont à l'oeuvre dans l'individu.


Le monde phénoménal est né de la séparation des deux énergies; le retour à la béatitude initiale ne peut s’accomplir qu’au travers d’une union dont la sexualité est la manifestation la plus perceptible. L’union sexuelle donne naissance à la béatitude parfaite (mahâsukha) qui est la voie royale à l’obtention de l’éveil bouddhique. Il faut donc vivre ses passions jusqu'au bout, mais au lieu de les abandonner à elles-mêmes, il est recommandé de mettre leur énergie au service de la libération. Loin d’être relégué au rang d’un péché, l’acte sexuel est considéré comme l’heureuse conjugaison des énergies vitales : celle du Bouddha (les moyens habiles, le vajra indestructible) et de sa parèdre Tara (la sagesse-vacuité), son double féminin indissociable. Sans l’union des deux sagesses, l’énergie créatrice ne peut donner naissance à la vie et permettre la création des causes de l’Eveil. Dans les tantras on voit apparaître l'affirmation d'une relation étroite entre le microcosme et le macrocosme. Ces puissances sont alors identifiées par des divinités ayant chacune leur rôle et leurs attributs. Les déités tantriques vont connaître un grand succès et se multiplier sous des formes féminines qui vont rapidement faire l'objet d'une réelle vénération. Il était, somme toute, très logique compte tenu de la vision tantrique de la dynamique de l’univers, qu'un principe féminin apparaisse en complément indispensable du principe masculin. L’école bouddhiste du vajrayâna dite aussi tantrayana arrive a sa pleine maturité au cours du IX° siècle en puisant à la source de très nombreux écrits auxquels il est donné le nom de tantra, ce qui signifie : " ce par quoi la Connaissance est étendue" - (tanyate vistrîyate jnânamanena iti tantram)


Ce terme, selon Robert Sailley :

« finira par s'appliquer d'une manière préférentielle à des traités techniques de pratiques religieuses concernant la construction des temples, la fabrication des images cultuelles, la science des formules sacrées, le rituel d'évocation de divinités dans un dessein magique ou mystique... »


Les tantras ne prônent plus une discipline de renoncement au monde, mais au contraire une conciliation entre la jouissance du monde et la délivrance. Le terme jouissance fait référence, au-delà de la simple jouissance matérielle ou sensuelle, à une sensation extatique au sein d'une authentique pratique religieuse. Si l'on met à l'écart des pratiques tantriques visant à l'obtention de pouvoirs merveilleux fort éloignés du désintéressement initial, le système tantrique repose sur une vision du monde et une logique fondamentale.
 

Les trois poisons sont vus comme faisant partie de la nature humaine et doivent être pris en compte car ils ne peuvent jamais disparaître totalement. Ce sont avant tout des énergies qu’il faut expérimenter par soi-même et utiliser pour accéder à la bouddhéïté. Le bouddhisme tantrique n’ordonne ni jeûnes, ni mortifications qui blessent l’esprit et briment le corps au lieu d’amener celui-ci à exprimer pleinement la vie et la nature de Bouddha.

Inévitablement, avec la réapparition du principe féminin, la sexualité, qui avait était bannie par le bouddhisme du Petit Véhicule, va revenir au premier plan.


Le Vajrayana va redonner à la sexualité un rôle central en complète opposition avec le bouddhisme primordial. Avec le tantrisme, la sexualité ne sera plus rejetée et il va paraître plus sage d'assumer pleinement celle-ci. Les pulsions et la sexualité deviennent des causes favorables au bonheur, loin des notions de saleté ou de vulgarité dont on les affublait. Dans l'optique tantrique, l'acte sexuel retrouve sa force première, son essence vitale par l'échange d'énergies fortes quitte a transmuter par la suite, cet investissement énergétique en cause de réalisation. Au-delà de l'acte sexuel, ce sont toutes les pulsions humaines qui sont amalgamées.

Sur la voie des tantras intérieurs, on ne rejette pas le désir, mais on s’en sert comme d’une force de transformation qui consume les voiles habituels et les états de repli sur soi qui nous séparent de notre nature de Bouddha.

Lama Yeshe Tsogyal explique :

« Il est nécessaire de pratiquer avec une épouse pour amener l’énergie qui baigne tout le corps dans le canal central...ouvrir complètement la roue du cœur et faire l’expérience de la claire lumière aux niveaux les plus profonds »


Dans la pensée tantrique, le sperme et son équivalent chez la femme(sang menstruel et sécrétions vaginales) forment la force d’éveil (boddhicitta) du corps qui retenue et répandue dans chaque cellule de l’organisme engendre la félicité nécessaire pour pénétrer au cœur même de la réalité.


« Nos nectars se mêlent pour former un seul élixir

Le même et l’autre se dissolvent en conscience radieuse

Félicité innée qui se présente comme l’absolue ouverture de l’immensité

Contemple l’essentielle fraîcheur de ton désir et tu verras la lumière illimitée. »

Lama Yeshe Tsogyal


« Si vous cherchez une compagne, la sagesse de l’union de la joie et de la vacuité apparaîtra au dedans...Vous gagnerez la longue vie sans cheveux blancs...vous croîtrez comme la lune...vous serez radieux et parfaite sera votre force. »

Saraha - Le chant du Mahamudra


Pour engendrer la félicité qui intervient dans la pratique des tantras intérieurs, les Tibétains recourent aussi à « l’épouse de sagesse intérieure » et à la polarité homme-femme à l’intérieur du corps subtil. Dans l’un de ses chants de réalisation, Milarépa, le grand yogi tibétain du XI° siècle décrit le processus qui permet aux essences rouge et blanche, acquises à la naissance, de servir à révéler le caractère inséparable de la félicité et de la luminosité.


« La félicité surgit quand le feu intérieur (toummo) flambe partout dans le corps. Il y a félicité quand les souffles de Ro-ma et de Kyang-ma s’engouffrent dans le canal central. Il y a félicité quand l’esprit d’éveil descend du haut...et que la goutte

Dans la tradition médicale du Tibet, on emploie des techniques destinées à accroître la virilité pour rétablir et améliorer les performances sexuelles, de même qu’a augmenter la force et la longévité. L’ingrédient essentiel des médicaments aphrodisiaques reste la chair de grenouille des neiges blanches, agrémentée de diverses herbes tonifiantes. Les médecins tibétains font la différence entre le simple rétablissement de la fécondité et l’objectif plus grand d’améliorer l’expérience spirituelle.


D’après le docteur Yeshe Donden :

« le plus haut dessein de la virilisation c’est d’améliorer l’expérience de la félicité de l’union pour que la conscience de la félicité serve à réaliser la vacuité d’être soi avec puissance et d’une manière totalement non-dualiste... »

Pour restituer la puissance sexuelle, les tantras médicaux prescrivent de trouver :

« Un environnement désirable avec le doux murmure des oiseaux qui pépient...et une jeune amie fort belle... en autres manières, une conversation agréable entrecoupée de baisers, l’étreinte et une cuisine aphrodisiaque. »


Pour le docteur Lobsang Dolma :

« Les organes sexuels de l’homme dégagent un certain champ d’énergie, ceux de la femme également. Quand l’homme et la femme s’unissent, ces champs s’harmonisent parfaitement »


Pour les Tibétains, les interdits sexuels ne renvoient ultimement qu’aux désirs obsessionnels qui provoquent la discorde en voilant les vertus thérapeutiques de la sensualité pure. Ce n’est qu’une fois libre des passions dissipantes que la sexualité peut se manifester comme une énergie vitale d’une créativité illimitée, l’expression spontanée de la compassion et de la félicité.


Selon les tantra de la médecine, la bestialité, l’adultère, une femme déplaisante peuvent être dangereux pour la santé. Mais il est encore plus pernicieux de faire l’amour pendant les règles, avec une femme enceinte, d’avoir des rapports homosexuels, de perdre excessivement son sperme et les fluides vitaux.

Les pratiques médicales tibétaines insistent sur l’hygiène préventive plus que sur les médicaments, les thérapies et même le régime. Le médecin tibétain conseille une conduite en rapport avec les changements saisonniers et les déséquilibres intérieurs de trois humeurs. Ce sens de l’équilibre est symbolisé par l’image d’un homme qui s’appuie sur « la frontière entre le soleil et l’ombre ». Ainsi pour préserver la santé, il faut mettre l’accent sur la juste observance d’une conduite de saison. Pour prolonger la vie et la virilité, les 4 tantra médicaux préconisent les pratiques de l’alchimie intérieure qui reposent sur des élixirs suprêmes élaborés à partir de l’essence purifiée du mercure et de l’or; de même que sur le nectar inégalé d’une compagne ou d’un compagnon tantrique. Les massages, les bains dans les eaux médicinales et les onctions oculaires hebdomadaire d’épine-vinette pour préserver la vue, sont aussi des pratiques favorables à la bonne santé.


L’essence de la conduite bénéfique se fonde sur la connaissance de l’interdépendance de toute vie et la compréhension que toute guérison vraie commence seulement lorsque nos actions se fondent sur une volonté de générosité, d’intégrité intérieure et de créativité.

translucide transperce depuis le bas. Quand les essences du mâle et de la femelle s’unissent dans la roue du coeur, le corps baigne tout entier dans une extase immaculée. »

Publié dans Histoire du bouddhisme

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