Le Vajrayana - La Voie du Diamant

Publié le par lobsang sonam

En se diffusant hors de l'Inde, le bouddhisme rencontra des mentalités et des croyances que, au lieu de combattre, il réussit avec le temps à assimiler. Ainsi, au sein de l'unité que constitue l'enseignement du Bouddha Sâkyamuni, se trouve une grande diversité de bouddhismes régionaux.

 

Au Tibet, par exemple, le bouddhisme, qui eut à affronter l'ancienne religion bön, ancestrale et proche du chamanisme, prit une forme très particulière. S'il a trouvé dans cette région sa terre d'élection, le vajrayâna, qui prend pour symbole le vajra - à la fois « diamant », image de la Réalité suprême, et «foudre», signifiant l'éveil à la Parfaite Sagesse -, est né en Inde du courant tantrique qui s'est développé très tôt à partir du Mahayana. II est issu des théories des deux grandes écoles : Madhyamika ou « Voie du milieu», et surtout Yogâchâra, pour lequel le monde dans lequel vivent les êtres n'est que le fruit de leur conscience à ses différents niveaux, y compris les imprégnations inconscientes accumulées. L'effort doit donc porter sur l'élimination de ces souillures et sur le retour de la conscience à sa pureté originelle par la pratique du yoga tantrique, lequel permet de se servir de toutes les énergies vitales, une fois celles-ci dûment reconverties. Cette méthode engendra un ritualisme à la fois mystique et cosmique, utilisant les mantra ou dhârani - formules sacrées dont la puissance évoque et invoque les forces surnaturelles -, les mudras - gestes ritualisés - et les mandala - diagrammes peints ou plus simplement tracés sur le sol au moyen de riz ou de poudres colorées, car ils ne sont destinés à servir que le temps d'une cérémonie.

 

Nés du vide, les mandala y retournent. Toutefois, leur confection nécessite une opération complète et minutieuse, car ils représentent les forces constitutives de l'univers, ainsi que les divinités qui y président. L'adepte identifiera au mandala son propre corps ainsi consacré, comme seront consacrés, grâce aux mantra et aux mudras, sa parole et son geste. Cet ensemble de pratiques caractérise le vajrayâna, phase ultime de l'évolution de la doctrine bouddhiste, qui témoigne de sa capacité de renouvellement et de son adaptabilité aux circonstances.

 

Les tantra bouddhiques

Si ses premiers éléments remontent aux III°et IV°siècles, le tantrisme bouddhique ne prit son essor qu'aux VII° et IX° siècles, dans les grandes universités monastiques de Nalanda et surtout de Vikramashîla, qui devint, à partir du IX°` siècle, le principal centre de diffusion du bouddhisme tantrique indien. Ses grands maîtres furent les siddha ou «parfaits », dont certains jouèrent un rôle essentiel dans sa propagation au Tibet: ainsi, Padmasambhava, qui y fonda le premier monastère, Tilopa (988-1069) et Nâropa (1016-1110), initiateurs de la lignée des lamas kagyu-pa.

 

Les tantra constituent une section spéciale qui ne se trouve que dans le canon tibétain, formé de deux recueils : le Kangyur et le Tangyur, contenant environ 4 500 ouvrages. Le Kangyur (traduction des paroles du Bouddha), en 108 volumes, expose la discipline monastique (vinaya), les sutra du Mahayana et des tantra. Le Tangyur (traduction des traités), en 225 volumes, renferme des commentaires, les enseignements des écoles madhyamika et yogâchâra, mais aussi des hymnes et des traités sur des sujets accessoires, telles la logique, la grammaire, la médecine, etc.

 

Cette gigantesque encyclopédie du bouddhisme récapitule la doctrine commune, les sutras du Hinayana comme ceux du Mahayana, avant d'y adjoindre les tantra, qui jouent dans la vie spirituelle tibétaine un rôle variable. Tandis que les Geloug-pa ne les abordent qu'au terme de vingt années d'études philosophiques, ils forment l'essentiel de l'enseignement chez les Nyingma-pa, qui ont d'ailleurs leurs propres tantras anciens, non reconnus par les autres écoles. Cette diversité ne doit cependant pas dissimuler l'unicité fondamentale de la doctrine, tant au sein des différentes écoles que par rapport au Mahayana, dont le vajrayâna développe seulement certains aspects. Ainsi, ce dernier complète et perfectionne encore le système des cinq principes cosmiques personnifiés par les jina, encore appelés dhyâni bouddha, «bouddhas de méditation», terme assurément récent et impropre, mais qui souligne ce qu'ils sont en effet dans la pratique : des supports de méditation. Conformément à la notion de shakti du tantrisme, le vajrayâna leur associe des partenaires féminines, telle la Prajnâparamitâ, la Suprême Sagesse, devenue la «Mère des bouddhas », ou Târâ, parèdre d'Avalokitésvara. De plus, ce panthéon élargi inclut, mais dans des rôles subordonnés, certaines divinités de l'hindouisme et même les démons de l'ancienne religion indigène, convertis au Dharma et devenus, sous la forme des divinités terribles, les aspects défensifs des bienveillants bodhisattvas. Ces derniers participent de manière plus étroite que dans le Mahayana à l'existence des hommes, puisqu'ils s'incarnent en certains lamas, les tulkou.

 

La pratique tibétaine

Les enseignements du Vajrayâna ne sont pas théoriques ; ils constituent des instructions en vue de la pratique. Y sont soulignées l'identité du samsara, la condition actuelle, et du nirvâna, la condition future, ainsi que l'équivalence du macrocosme, l'univers peuplé de bouddhas, et du microcosme, l'homme, qui est un bouddha en puissance.

 

Telle est la signification finale des rituel et du symbolisme tantriques, mais aussi des exercices gradués de méditation, accompagnés de «visualisation », en particulier du yidam, déité devenue le protecteur de l'adepte. Ce long apprentissage ne peut s'accomplir que sous la direction d'un gourou, le lama, dans l'étroite union du maître et du disciple. Les étapes en sont sanctionnées par une suite de consécrations (en sanskrit, abhisheka; en tibétain, wang),marquant le passage à un niveau supérieur d'enseignement, à une nouvelle pratique. Cette ascèse tend à faire passer l'adepte du plan du relatif à celui de l'absolu, en l'amenant à retrouver sa participation originelle à l'illimité et à lui permettre d'atteindre le but final, la libération personnelle et universelle.

 

 

 

Publié dans Histoire du bouddhisme

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