Le bouddhisme tantrique

Publié le par lobsang sonam

 

Voix Bouddhistes – France 2 - Emission du 27 février 2000

 

 

 

Invité : Dagpo Rimpoché, né au Tibet en 1932, vit à Paris depuis 1960, date à laquelle il est arrivé en France, il fut le premier lama tibétain à venir en France. Il enseigna pendant de nombreuses années aux Langues O et il est le fondateur de la congrégation bouddhiste Ganden Ling et de l'Institut Guepelé, à Veneux-les-Sablons.

 

Dagpo Rimpoché fut reconnu à l'âge d'un an comme étant la réincarnation d'un très grand maître tibétain, et en conséquence il reçut une formation très poussée pendant plusieurs années dans des monastères au Tibet. Il enseigne maintenant le bouddhisme aux occidentaux. Très proche de Sa Sainteté le Dalaï-lama, il accompagne celui-ci lors de ses séjours en France.

 

 

Introduction:

 

Cette émission est consacrée au tantrisme et plus particulièrement aux tantra dans le bouddhisme tibétain. Pourquoi associer le tantrisme au Vajrayana? Tout simplement pour éviter toute confusion. Il est en effet beaucoup question de tantrisme actuellement en occident mais il faut savoir que la forme de tantrisme dont on parle dans certains journaux ou dans certains cercles de développement personnel, concerne en fait l'art de l'amour tel qu'il était enseigné autrefois en Inde, un art qui n'a rien à voir bien entendu avec le sujet que nous allons aborder avec Dagpo Rimpoché qui est en effet considéré comme l'un des grands maîtres tantriques de notre époque.

 

VB - Quelles sont les différences entre le tantrisme tibétain et le tantrisme dans l'hindouisme?

 

Dagpo Rimpoché - Avant tout, je voudrais apporter une petite rectification à ce qu'il vient d'être dit. Il est vrai que j'ai énormément de foi vis-à-vis des tantra et que j'ai eu la chance de rencontrer les plus grands maîtres du tantrisme grâce auxquels, je fais de mon mieux pour m'adonner à la pratique mais de là à dire que je serais moi-même un très grand maître des tantra, il y une marge que je ne voudrais surtout pas franchir et je voulais donc vous préciser ce point.

 

Y a t-il une différence entre le tantrisme tel qu'il est connu dans l'hindouisme et le tantrisme tel qu'on le conçoit dans le bouddhisme : sans aucun doute ! Quand on pratique les tantra en tant que bouddhiste, c'est parce qu'on voudrait obtenir l'état de Bouddha et ce pour pouvoir accomplir le bonheur de tous les êtres. Ceci est une première caractéristique.

 

Une deuxième est en ce qui concerne les méthodes employées. De fait, pour pratiquer les tantra selon le bouddhisme, on se fonde sur la compréhension de la vacuité et on se réfère également à la grande compassion, à la production de l'esprit d'éveil et à ma connaissance, je ne pense pas que l'on conçoive la compréhension de la vacuité dans les tantra tels qu'ils sont admis dans l'hindouisme.

 

VB - Pour bien comprendre la place des tantra dans le bouddhisme, je crois qu'il y a deux voies, lesquelles?

 

Dagpo Rimpoché - Dans le grand véhicule, il y a deux traditions, celle dite des paramita, c'est à dire des perfections et le vajrayana c'est à dire le véhicule adamantin.

 

VB -  Donc, quand on parle de vajrayana ou de tantrisme, on parle de la même chose?

 

Dagpo Rimpoché - Effectivement ce sont des termes qui, pour nous, sont équivalents. Les deux termes ont sensiblement le même sens.

 

VB - Peut-on parler d'une progression entre la voie des sutras et la voie des tantra, comment cela se passe t-il?

 

Dagpo Rimpoché - Plutôt que dire que la voie des sutras et la voie des tantra seraient progressives, on pourrait peut-être dire complémentaires. Il n'y a pas d'obligation pour dissocier les deux types de pratique. Du reste quand on veut pratiquer les tantra, c'est toujours sur la base de la pratique des sutra. Mais il est vrai que ceux qui le préfèrent peuvent s'en tenir à la pratique des paramitayana, c'est à dire de la voie des sutras, mais il serait impossible de pratiquer les tantra sans se fonder sur les sutra.

 

VB - On dit également dans les enseignements que la voie des tantra est une voie rapide vers l'éveil. Que faut-il comprendre et quelles sont les limites parce que ce n'est pas non plus une voie miraculeuse?

 

Dagpo Rimpoché - Pour que cette voie soit rapide, cela va dépendre uniquement du pratiquant. Il faut qu'il ait d'ores et déjà développé toutes sortes de qualités et plus il aura développé en lui des qualités tel que le renoncement vis-à-vis du samsâra ou encore la production de l'esprit d'éveil ou encore la compréhension du non-soi, de la vacuité, plus vite il pourra obtenir des résultats à partir des tantra.

 

VB - C'est une voie qui demande beaucoup de courage, ce n'est pas une voie facile, quelles sont les principales méthodes qui caractérisent cette voie?

 

Dagpo Rimpoché - Lorsque l'on pratique selon le véhicule des perfections, on va donc travailler sur les qualités qui sont considérées comme les causes de l'éveil complet d'un bouddha: la générosité, l'éthique ou encore la patience, l'enthousiasme, la concentration et la sagesse. Par rapport à cela dans les tantra, on va bien entendu s'efforcer de cultiver les mêmes qualités mais en prenant en compte les résultats que l'on veut en tirer. Ainsi on va commencer par visualiser par exemple la déité, le bouddha que l'on veut devenir. On va également se représenter la terre pure, c'est à dire la sphère d'existence qui serait alors son univers et c'est en se fondant sur les résultats que l'on veut obtenir au travers de la pratique que l'on va mener l'application des tantra, ce que l'on ne peut pas faire dans la voie des sutras.

 

VB - Vous parliez de déité. Comment définir les déités puisque l'on parle parfois de déité courroucée, de déité paisible, de déité enlacée, ce qui peut donner certaines interprétations liées à la sexualité. Dans quel cadre les situer?

 

Dagpo Rimpoché - Dans la pratique des tantra, si l'on fait porter les méditations sur les déités, c'est en tant que méthode. On commence par faire se manifester en soi, la compréhension du non-soi ou encore la compréhension de la vacuité et il faut alors penser que c'est la compréhension que l'on a de la vacuité qui prend la forme de la déité, qui prend la forme également de son entourage et cela va permettre de renforcer notablement toutes les méditations que l'on peut faire à partir de là. Sinon il est vrai qu'on va également se représenter les déités d'une manière très diverse, par exemple on va imaginer des déités paisibles lorsque l'on veut prendre en référence et cultiver en soi des qualités qui relèvent de la méthode, donc des qualités d'amour et de compassion, et l'on va faire appel à des déités d'aspect courroucé pour représenter le combat à mener contre les défauts, contre les imperfections, contre les passions, contre les facteurs perturbateurs et enfin c'est vrai que l'on va également se représenter des déités enlacées étant entendu que là, c'est pour représenter l'union qui est indispensable entre l'aspect méthode et l'aspect sagesse.

 

VB - Peut-on dire finalement que la nature de l'esprit ne change pas, ce qui change, ce sont les facteurs perturbateurs et que ces déités, ces visualisations nous permettent de modifier ces facteurs perturbateurs?

 

Dagpo Rimpoché - Pour que les méditations puissent apporter le résultat que l'on recherche, il ne faut pas oublier que dans les tantra, on commence toujours par faire en sorte de comprendre la vacuité. C'est la compréhension de la vacuité que l'on a obtenu, qui ensuite se manifeste avec l'aspect de la déité, méditation que l'on utilise alors pour combattre les facteurs perturbateurs. Mais sinon, si nous nous contentons de méditer des formes de déités diverses sans faire le lien avec la compréhension de la vacuité, ce n'est pas ainsi que l'on pourrait obtenir une transformation intérieure.

 

VB - Il y a une précision peut-être à apporter, c'est que les visualisations, les mantras des déités qui correspondent, sont donnés au cours de certaines initiations et il est recommandé de ne pas les utiliser n'importe comment et surtout pas si l'on a pas reçu ces initiations.

 

Dagpo Rimpoché - Bien sur, si l'on veut réciter des mantras sans en avoir reçu la transmission, sans doute que cela ne pourrait pas nuire mais on ne pourrait pas en tirer tant de résultats que cela. En revanche, pour ce qui est des méditations des déités, c'est vrai qu'il est indispensable d'en avoir obtenu l'autorisation au travers d'une initiation.

 

VB - En conclusion, dans le tantrisme, on peut utiliser toutes les énergies, certaines sont-elles considérées mauvaises, d'autres bonnes ou finalement peut-on dire qu'on peut transformer toute énergie quelle qu'elle soit en sagesse?

 

Dagpo Rimpoché - Dans le cours d'une perception où aurait pu apparaître un facteur perturbateur tel que l'attachement, si on utilise les moyens pour faire barrage à l'attachement, cet attachement ne peut donc se produire, et il y a l'énergie mentale qui elle est déjà manifeste, et à ce moment là puisque l'attachement n'a pu se manifester, on va canaliser l'énergie mentale présente pour au contraire accomplir des buts tout à fait différents, mais surtout, il ne faut pas penser que ce seraient les facteurs perturbateurs eux-même qu l'on emploierait pour la pratique.

 

VB - Donc, il faut pratiquer le tantrisme avec un maître de façon à ne pas commettre d'erreurs?

 

Dagpo Rimpoché - D'une manière générale, dans le bouddhisme, on considère toujours comme indispensable de s'en remettre à un guide, à un maître spirituel et c'est encore plus vrai dans la pratique des tantra.

 

Publié dans Histoire du bouddhisme

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